À la recherche du temps pas perdu... ou le bon mix TT/bureau !

Photo by Sigmund / Unsplash

Depuis mars 2020, le moins que l'on puisse dire c'est que les lignes ont bougé concernant le télétravail (le fameux "TT") : ce qui était impossible avant l'est devenu... dans une certaine mesure tout de même.

C'est une formidable opportunité qu'il va falloir cultiver.

Des constats humains hétérogènes

Tout le monde semble maintenant accepter le principe du télétravail en tant que façon de travailler qui permet d'atteindre une certaine productivité.

Les managers récalcitrants ou franchement opposés au TT ont depuis mars 2020 fait du chemin. Nécessité fait loi, le confinement de début 2020 ne leur a pas laissé le choix et ils ont organisé le travail avec leur équipe en 100% TT.
Des réactions de certains collaborateurs laissant penser qu'ils tenteraient d'utiliser cette période pour suivre un agenda personnel (comprendre : imposer un TT à 100% à leur employeur) ont dans un premier temps poussé certains managers et responsables d'entreprises à considérer qu'ils mettraient un frein très fort au TT quand la situation sanitaire le permettrait.
Ils n'en feront probablement rien car le TT peut être finalement profitable aux personnes et aux organisations... s'il est bien organisé.

Toutes les personnes dont le travail peut se considérer en TT ont été confrontées aux réalités d'un TT poussé à l'extrême.
Pour certaines personnes, cela a été une révélation ; et l'espoir de fuir une grande ville tout en continuant de travailler totalement à distance.
Pour d'autres, cela s'est transformé en véritable souffrance sous différentes formes : le manque d'interactions sociales conduisant à un repli sur soit même, plus de barrières naturelles pour couper entre le travail et le personnel, un rythme de travail conduisant à des situations de quasi burnout, un manque de productivité.

Au final, chacun semble avoir une vision différente des apports du télétravail, et de la façon dont il faut l'organiser : certains sont heureux en full TT, d'autres ne s'imaginent en TT que quelques jours par mois et encore s'ils y sont obligés et les derniers voient plutôt une approche à la carte sans forcément être très clair sur qui fixe le contenu de cette carte.

Une dynamique du travail en TT variable suivant les tâches

L'expérimentation généralisée du TT au niveau de toutes les organisations a permis d'identifier parmi les tâches éligibles au télétravail, celles qui tireront leur épingle du jeu et les autres.

En se plaçant au niveau d'un projet, plusieurs typologies se dessinent :

  • Les tâches très opérationnelles, très cadrées avec des livrables clairs et relativement déterministes (comprendre dont le délai de mise en œuvre est connu à l'avance) fonctionnent bien en TT et génèrent assez peu de risque de burnout. Le risque tout de même assez présent est le manque de reconnaissance du travail accompli, car les moments où l'équipe peut prendre 5 minutes pour se féliciter doivent être prévus ; là où hors TT, cela se fait naturellement de façon informelle sous l'impulsion de managers bienveillants.
  • Les phases critiques de projet se passent moins bien et créent des situations de sur stress des collaborateurs comme des managers, avec des possibilités de burn out : chacun se retrouve face à son stress à son domicile et en vient à penser qu'il est la seule personne de l'équipe confrontée à cela.
    Il est de plus symptomatique de constater que pendant ces phases tendues, les réseaux sociaux d'entreprise et notamment Slack peuvent devenir des vecteurs de harcèlement sans s'en rendre compte quand les managers demandent toutes les 5 minutes sur les canaux slack où en est l'équipe...
  • Les tâches non prévues, comme tout ce qui se  dit à la machine à café, qui permet du partage d'info et d'expériences non cadré et informel, tout ce qui est de "l'ingénierie de l'intelligence collective" devient quasiment inexistant en TT ; ; même en poussant l'usage des outils comme Slack, en faisant des réunions Zoom sans sujet, en provoquant des animations et discussions sur des sujets transverses. La parole et les idées ne se débrident jamais autant que en présentiel informel au moment où les personnes ont besoin de faire baisser la pression en se projetant un peu plus loin ; en rêvant un peu.
  • On se marre moins en TT ! Chacun a probablement dû vivre post confinement cette expérience où il retrouve des collègues en vrai, et que au lieu de s'appesantir sur les enjeux qu'il faut affronter, chacun se lâche en disant des bêtises.

Cette liste n'a pas vocation a être représentative de ce que chacun vit dans son cadre professionnel en TT. Le point ici est uniquement d'insister sur le fait que le TT n'est ni une solution à tout, ni une cause de problème systématique.

Le TT n'est qu'une des nombreuses formes de travail dans lequel chacun s'inscrit pour réaliser ses tâches, avec plus ou moins de réussite en fonction des personnalités, de la nature des tâches et de la phase du projet.

Rien de neuf donc !

Quel avenir pour le TT dans les métiers du service?

L'avenir semble radieux pour le TT ; tout simplement car cette organisation du travail a pu être testée à l'échelle mondiale par toutes les entreprise de tous les secteurs. En effet, chaque organisation, chaque individu bénéficie maintenant d'un retour d'expérience unique sur lequel il va pouvoir s'appuyer pour envisager l'avenir.

Radieux n'est pas synonyme de "sans questionnement". Il va falloir en effet trouver un équilibre qui correspond à la diversité des individus composant les entreprises et la variété des enjeux et tâches auxquels ils doivent faire face.
La solution sera un compromis comme c'est toujours le cas dans une organisation complexe.

Dans les métiers du service qui sont ceux que je maîtrise le mieux, l'avenir du TT apparaît de façon assez paradoxale comme un enjeu de culture d'entreprise et du mieux se connaître.
En effet, il est malheureusement courant que nombre de salariés ne se croisent que peu de fois chaque année car ils interviennent majoritairement auprès des clients : ils n'échangent donc régulièrement qu'avec leurs collègues qui sont chez le même client, leurs chargés de mission et leurs managers.

Dans un précédent article lié à la Qualité de Vie au Travail, je notais l'engouement des collaborateurs en cette rentrée de septembre 2021 pour les événements organisés en présentiel comme des séminaires ou des conférences tech : nous sommes tous heureux de pouvoir enfin nous revoir en vrai !

L'avenir du TT dans les sociétés de service passe sans doute par des moments où tout est organisé pour se voir "en vrai" ; qu'ils soient ponctuels - moments festifs, séminaires, réunions stratégique... - ou dans le cadre du travail habituel.

Le TT redonne la liberté de travailler où l'on souhaite, et pas seulement à son domicile !

Concrètement, il s'agit de donner l'opportunité et l'envie aux collaborateurs de considérer que les jours en TT peuvent aussi se faire au siège de leur entreprise ; en leur offrant un cadre de travail qui favorise le travail en équipe, les échanges informels et le mixage des expériences.

Photo takima 2021

L'envie est essentielle pour que ce concept du "TT au siège" fonctionne : cela ne doit pas être une obligation, les locaux doivent être accueillants, les managers et responsables de la société doivent être sur place et être ravis de donner de leur temps pour échanger sur n'importe quel sujet, l'organisation du passage au siège doit permettre de choisir ses jours et les collègues avec qui on y sera.
En bref : revenir au siège doit être une opportunité de voir les collègues qu'on aime bien, partager en vrai, partager ses angoisses avec le management, propulser ses idées pour leur faire prendre vie.

Si certains collaborateurs disent "je suis trop content de revenir au siège, c'est là que le café est le meilleur !" ou "ça a été une belle journée, Nicolas d'une autre équipe m'a débloqué sur ce point, j'y aurais passé des jours sans lui" ; alors vous savez que votre concept du TT au siège est en train de prendre forme.

Dans cette approche, il est tout aussi probable que l'événement (ou séminaire) d'entreprise va aussi profondément s'inspirer de ce qu'il s'est passé ces 18 derniers mois où la totalité des événements se faisaient par le truchement de la caméra : cours de Fitness, Yoga, Pilates, Cours de cuisine, concerts, jeux de rôle etc.
Hors confinement, l'événementiel d'entreprise va fortement revenir en présentiel pour retrouver ces moments de convivialité qui ont tant manqué ; mais il est tout aussi essentiel maintenant de systématiquement considérer une extension distanciel pour permettre à ceux qui ne peuvent pas assister sur place de suivre à distance. Ce qui était un plus est devenu une obligation pour toucher le maximum de monde ; même dans des entreprises de petite taille localisées dans une seule région.

Enfin, concernant les rythmes entre TT et présentiel ; il est probable que dans les métiers du service cela se joue systématiquement à la carte ; en fonction de la politique de l'entreprise, des enjeux et de la politique appliquée par chaque Client et des contraintes de chaque partie prenante.
On retrouve là un des fondamentaux des métiers du services : l'adaptabilité qui fait la singularité des femmes et des hommes qui ont choisi ces métiers.

Comment s'organiser matériellement ?

Contre l'impression commune, il semble plus que jamais essentiel que les entreprises investissent dans leurs locaux professionnels, tant en superficie, qu'en équipements propices au travail, à l'échange et au divertissement quand le projet est livré.

Des locaux qui recherchent à la fois à donner un confort de travail, une efficacité, tout en permettant un partage formel et informel, y compris des sources de divertissements continueront d'être un facteur utile à la Qualité de Vie au Travail ; y compris en ces temps de Télétravail.
Je ne le dirai jamais trop : il est en théorie possible de forcer ses collaborateurs à revenir au siège ; mais il est infiniment plus puissant de leur donner des raisons positives d'y revenir.

Investir sur ses locaux professionnels n'exonère pas de s'interroger sur le type de facilités qu'une société peut apporter à ses collaborateurs pour rendre la part de télé-travail plus agréable. L'idée n'est pas d'aider les salariés à remeubler leur logement pour y travailler dans de bonnes conditions "comme au travail" ; c'est une illusion. L'idée est plus simplement de leur permettre d'acquérir un équipement qui se fondera dans son mobilier, tout en favorisant des conditions de travail améliorées.
A cet égard, la startup Slean propose par exemple des offres qui semblent parfaitement dans l'air du temps du TT ; tout en offrant une approche durable et compatible avec une politique RSE.

Les entreprises vont sans doute dans les mois et années à venir imaginer de plus en plus de nouvelles solutions pour combler le gap entre TT et présentiel ; pour arriver à une approche globale du mix TT/Présentiel, sans rupture ; quasiment naturelle.  

Olivier Duvoid

Olivier Duvoid

Paris