De l’intérêt d’une politique RSE

Plus personne n’ignore la signification de la RSE, Responsabilité Sociétale des Entreprises (en anglais, CSR, pour Corporate Social Responsibility) : il s’agit pour chaque entreprise d’agir de manière responsable en tenant compte des enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux.
Un bien vaste sujet : “tenir compte”, ça veut dire quoi ? Un enjeu pour une entreprise, c’est quoi, c’est forcément lié à son business ? Mais pourquoi donc une entreprise devrait-elle s’approprier des thématiques qui sont généralement de la responsabilité de la force publique ?

Le RSE, un sujet dont l'importance augmente d'année en année.

Pour beaucoup d’entreprises, cette responsabilité a gagné en importance ces dix dernières années ; jusqu’à devenir un enjeu pesant sur son activité même.
Pourtant, un peu à la manière des concepts en informatique qui sont souvent de fringants quarantenaires, ce RSE trouve son origine dès les années 60 et fait partie du programme de formation de toute école d’ingénieurs.
Le fait que le RSE soit maintenant au cœur de la stratégie de nombreuses entreprises n’est donc pas une lubie de communicants fondée sur le dernier concept à la mode.

Il s’agit plutôt de la conséquence de la prise de conscience des citoyens de la nécessité de faire changer les choses (développement durable, protection des personnes par exemple), en n’oubliant pas de (re)mettre les entreprises au cœur du projet citoyen, au besoin à marche forcée.
En effet, dans un monde où on assiste à un certain délitement des structures familiales et à une numérisation des interactions sociales par le truchement des réseaux sociaux, les entreprises restent des bastions solides où les relations humaines priment. Ces relations peuvent être aussi bien toxiques que inspirantes, fondées sur la défiance ou la confiance ; mais elles n’en existent pas moins en tant qu’interactions sociales nécessaires dans un environnement régi par des règles.
Autrement dit, les entreprises sont des vecteurs et des catalyseurs importants dans la cité pris dans son sens antique : elles ont la possibilité de mettre en œuvre en leur sein des politiques à destination de leurs salariés/citoyens ; y compris des politiques non directement corrélées à leur activité ; pourvu qu’elles en aient l’envie.

Ces constats faits, la prise de conscience au niveau mondial de la nécessité de (mieux) préserver et anticiper aux niveaux social, sociétal et environnemental a poussé les politiques à intégrer ces thématiques dans leurs décisions.
Si globalement les citoyens sont d’accord pour “préserver”, atteindre l’acceptabilité sociale du projet de société que cela induit est un long chemin.
En effet, cette notion de “préservation” acceptée d’un point de vue conceptuel se fracasse quand les intérêts individuels dont on comprend tout autant que chaque citoyen veuille le préserver… pour son bénéfice personnel.
Singulièrement, les citoyens trouvent essentiel de réduire l’empreinte carbone ; sauf si cela conduit à les faire payer plus une énergie qu’ils utilisent.
L’intérêt personnel d’un citoyen est donc souvent aussi un frein à la mise en œuvre de politiques pourtant acceptées au niveau du concept, mais dont l’application vient à contre-courant de son intérêt du moment.

La crise du Covid-19 a fait bouger les lignes momentanément.

Le baromètre 2020 de la perception en entreprise du RSE établi par le MEDEF en est un bon exemple (le soulignement a été ajouté):

(...)
Dans le contexte de la crise du Covid-19, l’intérêt des salariés pour les sujets sociaux, économiques et l’éthique augmente.

L’importance accordée par les salariés à l’environnement est en recul par rapport aux thématiques sociales et économiques : pour les salariés, le développement durable porte notamment sur :

  • les engagements liés à l’environnement (selon 46 % des salariés, contre 57 % en 2019)
  • les engagements liés au social (selon 33 % d’entre eux vs 27 % en 2019)

(…)

Pour autant, cela veut-il dire que l’importance des enjeux environnementaux a baissé dans la tête des citoyens salariés ? Sans doute non, mais dans le contexte 2020, leur inquiétude immédiate pour leur emploi semble avoir occulté partiellement l’importance des questions environnementales.

Il semble donc opportun, pour que tous les thèmes de la RSE soient constamment traités avec l’importance qu’il faut, qu’une politique générale s’applique au niveau de chacun, et en particulier au niveau des entités qui ont les moyens d’imposer des règles et de lancer des actions : les entreprises.

Les entreprises, un catalyseur essentiel des actions en faveur de l'environnement.

C’est bien ce qu’il se passe depuis deux décennies, les entreprises étant invitées fortement à s’engager dans une démarche RSE forte et instrumentée.
En France, la loi “NRE” avait lancé le bal en 2001 en obligeant les entreprises cotées en Bourse à publier dans leur rapport annuel de gestion la manière dont elles traitaient les conséquences sociales et environnementales liées à leur activité.
La loi Grenelle 2 de 2010 lui a ajouté la dimension sociétale et a élargi l’obligation de communication RSE aux entreprises de plus de 500 personnes ou générant plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Depuis, la loi Pacte a ajouté le concept de l’entreprise à mission, les entreprises peuvent également se doter d’une raison d’être statutaire.(https://www.economie.gouv.fr/entreprises/responsabilite-societale-entreprises-rse)

Cela veut-il dire qu’une entreprise de moins de 500 personnes peut s'exonérer de toute réflexion RSE ? Rappelons tout de mêmes les enjeux, sur la base des chiffres 2018


Nombre de sociétés

Nombre salariés ETP

Grandes entreprises

269

3,5 millions

ETI

5 700

3,2 millions

PME (<250 personnes)

148 100

3,9 millions

Micro entreprises

3,8 millions

2,4 millions

Totaux


13 millions

Exonérer de fait plus de la moitié de l’économie et de leurs salariés d’une dimension RSE ; et ne compter de fait que sur une démarche volontaire de leur part pour s’y engager serait absurde.

Pourtant le cadre législatif seul en France est bien celui ci.

Et pourtant… ça marche. Que se passe t’il ?

La théorie du ruissellement appliquée au RSE.

Concrètement, les entreprises sont tout à la fois clientes et fournisseurs entre elles ; et plus l’entreprise est petite, moins sa capacité commerciale lui permet de se passer des grands donneurs d’ordres et grosses ETI ; ceux-là même qui ont une obligation légale vis-à-vis du RSE.

Lorsqu’une entreprise contractualise avec un fournisseur, elle va négocier un certain nombre d’éléments, le prix par exemple, et en imposer d’autres.

La mise en place d’une vraie politique RSE au niveau d’une entreprise va impliquer d’élaborer des chartes éthiques, des chartes d’achat responsables, de s’engager et de communiquer sur des actions réalisées, de fixer des objectifs de performance et de mettre en place des indicateurs.
Dans un premier temps, les grands donneurs d’ordres s'attachaient à mettre en oeuvre ces éléments dans leur périmètre, sans se soucier des fournisseurs.
Les évolutions législatives, les scandales vis à vis des fournisseurs et leur impact en termes d’image (Je ne mange plus de Nutella car le fournisseur des noisettes exploite des êtres humains par exemple) ont incité les grandes entreprises à intégrer dans leur politique RSE leurs fournisseurs. Il s’agit non plus par exemple de considérer l’empreinte carbone de ses propres activités, mais aussi celle de leurs fournisseurs pour la part contribuant aux produits et services qui leur est revendue.
Il s’agit en quelque sorte d’une déclinaison de la théorie du ruissellement appliquée aux entreprises et au RSE.

De fait, en 2021, pour pouvoir prétendre être fournisseur d’un grand donneur d’ordres, il devient ainsi quasiment indispensable d’avoir une démarche RSE valide : les grands donneurs d’ordres l’imposent et ceux qui ne le font pas encore le feront bientôt.

En miroir, les prochaines évolutions des approches RSE devraient inciter à avoir une approche globale sur tout le cycle de vie des produits d’une entreprise en incluant donc non seulement les fournisseurs mais aussi les Clients.
Une société de services données pourrait se retrouver à terme, si son économie de marché le lui permet, à devoir sélectionner ses Clients en fonction de critères RSE.

Dans cette réalité et ces perspectives, sur un plan strictement commercial et stratégique, il semble donc vital pour n’importe quelle PME qui a des ambitions sur son marché de travailler sa politique RSE.

Le RSE, un phénomène puissant au bénéfice de la culture d'entreprise.

Heureusement, l’intérêt vital (forcé ?) n’est pas le seul qui existe dans le cheminement RSE. La recherche de sens  en est également un, pour les salariés, les managers et la direction générale.
Le baromètre de la perception en entreprise du RSE édité par le MEDEF montre ainsi que “les entreprises dotées d’une fonction ou d’un service RSE sont de nouveau considérées comme plus innovantes que les autres : 83 % des salariés de ces entreprises les considèrent innovantes (24 % très innovantes), contre seulement 64 % (+11 points par rapport à 2019) pour les entreprises où la RSE ne fait pas l’objet d’une fonction ou d’un service dédié.”
Le constat est le même d’après ce baromètre concernant l’attachement à l’entreprise où les personnes se voyant encore présentes dans l’entreprise à 3 ans représentent 79% dans les entreprises qui possèdent une fonction ou un service RSE et seulement 68% dans les autres.

La mise en place d’une démarche RSE sérieuse contribuerait ainsi à mieux affirmer et partager les valeurs de l’entreprise, à mettre en place des actions concrètes et à communiquer sur des éléments inhabituels.
La RSE nécessite un accompagnement au changement, notamment en expliquant les raisons de cette démarche, en démontrant comment chaque collaborateur est une partie prenante essentielle et en échangeant avec les personnes doutants de l’honnêteté de la démarche et qui ne voient à priori qu’un élément de communication de plus.

En appliquant ces principes simples, la mise en place du RSE, qui au départ peut être vécue comme une contrainte contre-productive pour une PME, peut devenir un puissant outil de transformation et de communication.
Ré-affirmer les valeurs de l’entreprise, s’engager publiquement par exemple en adhérent au Global Compact UN ou en faisant savoir la contribution de l’entreprise et des ses salariés à des actions sociétales (par exemple), lutter plus efficacement contre les discriminations, le harcèlement et la corruption, mettre les collaborateurs au centre d’une démarche qui permet de mieux consommer, économiser de l’énergie ou s’entre-aider sont quelques un des apports qu’il est possible d’attendre en s’inscrivant dans une démarche RSE.


Sources :
Baromètre de la perception en entreprise du RSE établi par le MEDEF, 2020, Edition 2 : https://www.medef.com/fr/actualites/barometre-de-perception-de-la-rse-en-entreprise
Chiffres entreprises en France : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4987235, page 68 du rapport annuel 2020)

Corrélation entre la performance d'une entreprise et sa stratégie RSE : https://www.pme-eti.fr/la-rse-veritable-levier-de-performance/
Strip issu de Achille Talon, par Greg.

Olivier Duvoid

Olivier Duvoid

Paris