Les 10 préoccupations majeures des dirigeants de PME/ETI aujourd'hui

Les PME/ETI subissent une confluence de défis stratégiques : cybersécurité, intégration risquée de l'IA Générative, crise budgétaire, guerre des talents et besoin de visibilité économique/politique. Leur avenir dépend de la coopération et d'un investissement numérique intelligent et ciblé.

Les 10 préoccupations majeures des dirigeants de PME/ETI aujourd'hui
Visuel généré par IA

Takima accompagne des PME et des ETI ambitieuses dans leurs trajectoires de croissance et de transformation. C’est dans ce contexte que je me suis intéressée de près à leurs préoccupations, en particulier à celles des organisations déjà confrontées à de véritables enjeux digitaux.

En explorant ce sujet, un constat s’est imposé : les PME et ETI constituent le moteur de l’économie française. Elles représentent plus de 50 % de l’effectif salarié total, soit près de 7,5 millions d’emplois équivalent temps plein, répartis dans plus de 155 000 entreprises (PME hors micro-entreprises et ETI).

Secteur marchand


MIC (Micro- entreprise)

PME hors MIC

ETI

GE

Ensemble

Nombre d'entreprises

3 504 608

148 736

6 218

277

3 659 839

Effectif salarié en ETP (en milliers)

2 410

3 986

3 458

3 981

13 836

Source : rapport insee de 2023 sur les données 2021(https://www.insee.fr/fr/statistiques/7678530?sommaire=7681078)

NB : dans cet article, on considère les PME qui ont entre 10 et 249 salariés (on exclut les micro-entreprises de moins de 10 salariés) ; là où les ETI revendiquent entre 250 et 4999 salariés.

Reconnaissables par leur expertise, leur ancrage territorial et leur capacité d’adaptation, ces entreprises évoluent pourtant dans un environnement de plus en plus complexe. Leurs dirigeants doivent composer avec une triple pression économique, technologique et réglementaire qui influence directement leur capacité à se développer.

1. Cybersécurité : la menace systémique est la priorité

En regardant de plus près, j’ai pu constater que la cybersécurité est devenue la priorité numéro une des dirigeants d'ETI en matière d'investissement (EY/METI)3. Les PME/ETI, les collectivités locales et les établissements de santé représentent 73 % des attaques par rançongiciels signalées à l'ANSSI en 2022, contre seulement 6 % pour les entreprises stratégiques (Institut Montaigne)6

Les conséquences sont souvent existentielles : selon les chiffres gouvernementaux, une PME sur deux fait faillite dans les 18 mois suivant une cyberattaque (Institut Montaigne)6.

Quoi qu’il arrive, l’impact économique est fort et durable : 53 % des entreprises françaises sont touchées, avec un coût moyen de 15 k€ (et 15 % dépassant 230 k€)1.

Le risque provient en partie de la perception erronée qu'ont les dirigeants de PME/ETI d'être à l'abri des cyberattaques en raison de leur taille modeste (Inforisque)13.

2. Intégration de l'ia générative

Il semble évident que l'intelligence artificielle générative connaît un «emballement mondial» (Nutanix/itforbusiness.fr)11.

En France, 90 % des entreprises ont mis en place une stratégie d'IA générative, et 57 % sont en phase de déploiement actif. Les objectifs sont clairs : augmenter la productivité, l'automatisation et réduire les coûts. (Nutanix/itforbusiness.fr)11. Pour les PME/ETI, l'adoption a doublé en un an, atteignant 26 % d'utilisateurs (France Num)9.  

Cependant, 95 % des projets IA en entreprise échouent à générer des revenus (MIT)4.

Du côté des employés, l’IA est utilisée « en espérant » que les bonnes pratiques soient respectées : RGPD, cybersécurité, ce qui impose une vigilance constante. 

Du côté business, l’objectif est de valoriser les données et d’automatiser les tâches répétitives pour créer de véritables actifs digitaux. 

Le piège : l’IA semble gratuite et facile à tester pour des usages simples, mais son intégration dans des systèmes critiques via des agents intelligents ou du RAG devient rapidement coûteuse et complexe. 

Résultat : les organisations subissent une double pression, humaine et business, ainsi le véritable enjeu pour une PME /ETI est de considérer l’IA en acteur pour tirer pleinement parti du potentiel de l’IA tout en maîtrisant ses risques plus qu’en suiveur et se faire imposer des comportements non souhaités par ses employés ou le marché.

3. Allocation budgétaire et ROI incertain

L'investissement dans le digital et l'IA est jugé nécessaire, mais l'arbitrage est constant. Le retour sur investissement (ROI) des projets digitaux est souvent difficile à percevoir à court terme, ce qui exige des dirigeants d'accepter une exposition accrue au risque et le droit à l'erreur (Kéa/METI)7.

Investir dans le digital est une nécessité bien comprise par les dirigeants des PME/ETI. Cela se fait à deux niveaux: d’abord comme support aux opérations de l’entreprise (administratif et légal) mais aussi comme levier de développement du business.

Malheureusement, ces investissements ambitieux sont rarement récompensés, faute de cadrage du projet en amont ou bien dans l’exécution par les employés. Ainsi, d’un côté, faute d’alignement, la facture SaaS explose : les entreprises de 100 à 200 salariés ont un budget de 600 000 € pour 215 outils (ITSocial)5 . La facture est encore plus lourde et le nombre de SaaS plus important à mesure que le nombre d'employés dans l’entreprise augmente. Et d’un autre côté, les SaaS et autres progiciels ne répondant pas pleinement aux besoins des employés pour les raisons que nous avons évoquées précédemment, une partie importante du business de l’entreprise est gérée sur des fichiers Excel ou via du Shadow IT. blog takima

48 % des dirigeants d'ETI prévoient d'augmenter leurs investissements digitaux dans les 12 prochains mois (EY/METI)3.

Pour l'IA, les responsables français sont plus patients que la moyenne EMEA, seulement 30 % exigeant des gains dès la première année (Nutanix/itforbusiness.fr)11.

4. Fragmentation des données et portabilité cloud

La généralisation du cloud et de la conteneurisation (90 % des organisations mondiales engagées) ne se fait pas sans difficultés techniques . Les entreprises françaises (85 %) estiment que leur infrastructure n'est pas encore totalement adaptée pour supporter efficacement les charges cloud-natives (Nutanix/itforbusiness.fr)11.

Les principaux obstacles cités sont la fragmentation des données en silos et la difficulté à assurer la portabilité des applications entre le cloud public et les infrastructures sur site (Nutanix/itforbusiness.fr) 11

Le pilotage par la data et l'exploitation des données collectées sont cruciaux : 83 % des dirigeants d'ETI estiment que leur entreprise maîtrise la collecte et le tri des données (EY/METI)3.

5. Recrutement et guerre des talents numériques 

Le recrutement et la fidélisation des talents restent un enjeu très fort (BPIFrance)2, et c’est encore plus marqué lorsqu’il s’agit des profils spécialisés en numérique.

Le marché de l'emploi en cybersécurité est le plus tendu des métiers du numérique, avec un besoin de recrutement qui a doublé en cinq ans (Institut Montaigne)6. Les entreprises peinent à attirer et fidéliser ces experts face à la concurrence. 

L'adoption rapide de l'IA exige des profils spécifiques : 67 % des entreprises françaises cherchent actuellement des spécialistes IA, et 75 % ciblent les compétences cloud-natives (Nutanix/itforbusiness.fr)11. Développer la culture du digital et la formation continue est essentiel : 57 % des collaborateurs d'ETI déclarent que leur entreprise a mis en place des actions pour développer les compétences en IA (EY/METI)3.

6. Digitalisation des processus et efficacité opérationnelle

J’ai pu remarquer que la transformation numérique est une évolution profonde de la manière de «faire du business», impactant l'innovation, la conception des produits et les processus internes (Kéa/METI)7. La digitalisation des processus de production et des opérations est une priorité d'investissement pour 54 % des ETI (EY/METI)3

Simultanément, la dématérialisation des fonctions support, comme la finance/gestion (59 % d'investissement prévu) et les RH (47 % d'investissement prévu), est un chantier significatif pour optimiser les tâches chronophages et développer la productivité (EY/METI)3.

7. Conformité environnementale et sobriété numérique (RSE)

L'impact environnemental du numérique est de plus en plus mesuré. Les usages numériques professionnels (le « numérique au bureau ») contribuent principalement à 5 crises environnementales et sanitaires, représentant plus de 80 % des impacts globaux du numérique . Il représente jusqu'à 60 % du budget annuel soutenable d'un Européen pour l'épuisement des ressources abiotiques « matière » (Green IT)10

L'effort pour rendre l'activité soutenable doit passer par une division de l'impact du système d'information par un facteur de 4 à 10 (Green IT)10

Les axes prioritaires incluent l'allongement de la durée de vie des équipements et l'écoconception des services numériques (Green IT)10.

8. Pression réglementaire (NIS 2, RGPD, CRA)

Le cadre légal s'alourdit. La nouvelle directive européenne NIS 2 étend les obligations de cybersécurité à un nombre accru d'entités (estimé entre 7 000 et 15 000 en France) et introduit des sanctions financières basées sur le chiffre d'affaires (Institut Montaigne)6

Le projet de règlement Cyber Resilience Act (CRA) vise à renforcer la sécurité des produits numériques by design, ce qui pourrait engager la responsabilité civile des fabricants et éditeurs en cas de faille (Institut Montaigne)6. 

Ces réglementations créent un impératif de conformité qui sécurise l'avenir des entreprises et leur accès aux chaînes de valeur des plus grands (Institut Montaigne)6.

9. Coopération et animation de l'écosystème

La transformation est une aventure humaine qui dépasse les frontières de l'entreprise (Kéa/METI)7. La coopération est essentielle : 67 % des dirigeants interrogés affirment intégrer leurs clients dans la conception des offres et produits (EY/METI)3

Les ETI doivent s'ouvrir vers l'extérieur pour capter les signaux, s'inspirer et s'entourer de partenaires compétents (start-up, universités, prestataires).

Cette logique partenariale est capitale pour mutualiser les compétences et les outils cyber (ex: RSSI en temps partagé) (Institut Montaigne)6, afin de les rendre accessibles aux petites structures.

10. Stabilité politique et visibilité économique

La recherche de stabilité et de cohérence dans l'action publique est essentielle pour la reprise de l'investissement. 

Une série d'événements récents, notamment la nomination retardée et controversée du nouveau Premier ministre, ainsi que les inquiétudes liées à la dette publique, ont entraîné un « retour brutal à la réalité » pour les dirigeants.

Le manque de confiance dans l'économie française est au plus bas, l'indicateur perdant 24 points pour atteindre 30 % en octobre 2024, un niveau jamais observé depuis novembre 2020 (fin de la crise sanitaire).Cette chute s'explique par les inquiétudes liées à la dette publique, aux futures mesures gouvernementales visant à y remédier, et aux potentielles augmentations de la fiscalité.

Le contexte incertain engendre une atmosphère de prudence et de frilosité parmi les dirigeants. Cela se traduit par une chute des intentions d'embauche, qui atteignent 11 % en octobre, un seuil rarement observé.

Parallèlement, la confiance en leur propre entreprise a chuté de 93 % en septembre à 82 % en octobre 2024.

Même l'économie mondiale retombe dans une zone d'incertitude, l'indicateur de confiance plongeant de 20 points pour atteindre 32 % en octobre, principalement en raison de l'escalade des conflits au Proche-Orient, de la guerre en Ukraine.

En résumé, la recherche de stabilité et de visibilité est primordiale pour les dirigeants, car les incertitudes politiques et budgétaires sont le principal frein à l'investissement et à la création d'emplois (OpinionWay en collaboration avec le magazine Challenges)12.

Pour conclure :

Au fil de cette exploration, ce qui m’a frappé, c’est à quel point les PME et ETI semblent évoluer dans un système vraiment complexe. 

Chaque enjeu : cybersécurité, IA, data, RH, budget, réglementation, semble en entraîner un autre. Rien ne paraît isolé. Et j’ai réalisé que ces problématiques ne sont probablement pas propres à ce type d’entreprise : on les retrouve dans beaucoup d’organisations, du grand groupe à la PME industrielle bien implantée localement.

Ce que j’ai aussi sous-estimé au départ, c’est l’importance des enjeux géostratégiques, économiques et politiques. Une directive européenne, un conflit à l’international, un changement de Premier ministre… et il semble que toute la vision d’investissement ou de transformation puisse se retrouver bousculée, parfois très rapidement.

En regardant de plus près, j’ai eu le sentiment que les PME et ETI ne se contentent pas de digitaliser leurs processus. Elles essaient en réalité de manœuvrer dans un environnement instable, où la cybersécurité devient vitale, où l’IA prend de plus en plus de place, où les talents sont difficiles à trouver, où les données restent fragmentées, où les règles se durcissent et où l’incertitude économique est constante.

Au fil de mes observations, j’ai constaté que ce qui semblait faire la différence…, c’était la capacité à coopérer, s’entourer et investir intelligemment dans le numérique.

Ce paysage peut paraître intimidant, c’est certain. Mais j’ai aussi eu le sentiment qu’il contient une vraie opportunité : pour celles et ceux qui réussissent à transformer ces contraintes en leviers, il y a peut-être un avantage stratégique à prendre. Et c’est probablement là que se jouera, à mon avis, une partie de l’avenir de ces entreprises.

Sources

Les informations détaillées de cet article proviennent des sources suivantes :

  1. ANSSI 
  2. BPIFrancehttps://lelab.bpifrance.fr/Etudes/attirer-les-talents-dans-les-pme-et-les-eti/les-chiffres-cles-de-l-etude-attirer-les-talents-dans-les-pme-eti
  3. EY et METI : Baromètre Future Ready de la transformation des ETI - Épisode 02 : Numérique.https://www.ey.com/content/dam/ey-unified-site/ey-com/fr-fr/insights/entrepreneurship/documents/ey-barometre-eti-volet-numerique-20241205.pdf
  4. MIT https://siecledigital.fr/2025/08/19/etude-du-mit-95-des-projets-ia-en-entreprise-echouent-a-generer-des-revenus/
  5. IT Social https://itsocial.fr/logiciel-agilite/logiciel-agilite-articles/la-gestion-des-logiciels-saas-est-devenue-une-question-strategique-majeure-pour-les-entreprises-en-2025/
  6. Institut Montaigne : Cybersécurité : Passons à l'échelle. https://www.institutmontaigne.org/publications/cybersecurite-passons-lechelle
  7. Kéa Partners et METI : La transformation digitale des ETI : L’Odyssée du dirigeant. https://m-eti.fr/wp-content/uploads/2022/04/La-transformation-digitale-des-ETI_Etude-Kea-METI-2019.pdf
  8. Nutanix : 7th Annual Nutanix Enterprise Cloud Index. https://www.nutanix.com/enterprise-cloud-index
  9. France Num : Baromètre France Num 2025 : le numérique et l'intelligence artificielle dans les TPE et PME. https://www.francenum.gouv.fr/guides-et-conseils/strategie-numerique/comprendre-le-numerique/barometre-france-num-2025-le
  10. Frédéric Bordage, Green IT : Numérique au bureau : jusqu'à 60% de notre budget annuel soutenable. https://www.greenit.fr/2024/09/23/numerique-au-bureau-jusqua-60-de-notre-budget-annuel-soutenable/
  11. Laurent Delattre, itforbusiness.fr : Conteneurs & GenAI : la France domine le Nutanix Cloud Index. https://www.itforbusiness.fr/nutanix-entreprise-cloud-index-2025-france-leader-92460
  12. L'institut de sondage OpinionWay pour le cabinet d'audit et de conseil Grant Thornton, en collaboration avec le magazine Challenges. : Baromètre Optimisme d'octobre 2024 : Les dirigeants maintiennent le cap malgré les doutes. https://www.grantthornton.fr/globalassets/1.-member-firms/france/communiques-presses/2024/2024-10-15_barometre_gt_pme_eti_octobre.pdf
  13. Inforisque